Une photographie (3)

Nous sommes en juin 1940. Le San Pedro fait partie du dernier convoi de bateaux à quitter le port du Havre avant l’arrivée des Allemands. Voilà le contenu du carnet rouge, journal de guerre d’un soldat embarqué au Havre à destination de Bordeaux.

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Mardi 18 En mer. Bonne mer. Arrêt en rade entre île de Belle Ile et port de Quiberon à 18 h. Reparti après embarquement des hommes de 17 à 50 ans à 3 h le 19. Dépôts mazout Lorient et Vannes en feu. Alerte sous-marin. Direction changée.

Mercredi 19 En mer. Vers Bordeaux ??(singe, singe et singe). Biscuits !!

Jeudi 20 En mer (très belle) Où allons-nous ? quelques cas de folie à bord. Recherche des suspects Belges…. Couchons dans canot ; Biscuits Eau taxée.

Vendredi 21 En mer (très belle) (grande corrida avec les fous) ; un bébé de 4 mois meurt ; immersion en mer très impressionnant.(prêtre de la mission de Clermont Tonnerre) Alerte s/marin. Ordre mise ceinture.

Samedi 22 Arrivé Casablanca à 9h ancré en rade. Débarqué à quai à 15h.

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A ces informations, s’ajoute le récit du père Artigues, curé de Locmaria, qui raconte qu’on fit embarquer pour l’Afrique du Nord les hommes valides de 17 à 50 ans. Il ajoute que si leur bateau, le “San Pedro”, les débarqua sains et saufs à Casablanca, deux autres cargos du convoi furent torpillés au cours du voyage. Ces mêmes hommes furent rapatriés et arrivèrent à Belle-Ile le 16 octobre 1940.

Entre temps, mon père et son frère, tous les deux normaliens à Vannes, furent hébergés par des enseignants, des syndicalistes, au Maroc. Voilà donc cette histoire reconstituée, grâce à Internet. Une petite histoire qui rencontre la grande histoire, un sacré voyage pour un garçon de dix-sept ans.

Un véritable roman qui reste à écrire.

Quai des États Unis

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Baie des Anges

Il y a 98 ans

Lundi 11 novembre 1918, Privas. Les cloches sonnent pour l’armistice , tout le monde se réjouit et se rassemble. Ma grand-mère pleure. Elle sait que son père ne reviendra plus de la guerre. Mobilisé le quatre août 1914, parti pour la guerre le 7 septembre, il est porté disparu quelques jours plus tard. Et déclaré mort en 1918, mort pour rien, sans même savoir pourquoi. Il n’avait rien demandé à personne.

Ce que furent les dernières semaines d’Émile Lacroix en août et septembre 1914, je les ai reconstituées à partir des lettres que Marius Coutas écrivait à sa femme Daria, la sœur d’Émile. Celles-ci sont d’autant plus émouvantes qu’on peut y deviner les interrogations de la famille restée en Ardèche. Les lettres se veulent rassurantes jusqu’à la mi-septembre puis se teintent de plus en plus de désespoir.

Ce ne sont que des extraits, car elles sont souvent longues, difficilement lisibles, ou bien courtes, cartes postales militaires, ou encore écrites en urgence sur des bouts de papier. J’y ai ajouté les deux lettres qui concluent la vie de Marius Coutas, tué lui aussi fin novembre 1914.

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Marius Coutas est debout à gauche sur cette photo prise à Villefranche, peut-être Émile Lacroix s’y trouve-t-il aussi.

Mon arrière grand-père est mort à trente-et-un ans au bois de Cheppy. Dans la presse d’alors, on a conspué la lâcheté de l’armée de Provence, qui a cédé devant l’armée allemande. Dans les livres d’histoire, la Grande Guerre ne commence officiellement qu’à partir de la bataille de la Marne.

Voilà donc une transcription rapide de ces lettres de Marius à sa femme…

5 août 1914 Nous avons dormi en ville, sur le glacis, autour de la caserne. Les chefs sont sympas.

6 août Nous sommes à Villefranche, il y a là 10000 hommes, d’où des problèmes de nourriture, les repas ne sont pas servis à l’heure. J’ai vu Émile, il est dans la même compagnie que moi. Mallet nous a trouvé un lit pour la nuit.

9 août Nous ne faisons rien que dormir et manger. On nous a habillés d’une tenue de toile, pas d’équipement ni de fusil. Après cinq heures, nous sortons en ville avec Emile et Blachin, pour acheter un litre pour le dîner et un litre pour le souper.

10 août Aujourd’hui, sortie à la campagne et aux bains de mer avec la compagnie prévue par le lieutenant.

14 août Nous portons toujours une tenue de toile et nous n’avons toujours rien fait. Le 64è bataillon est tout équipé, il fait des marches quotidiennes. Emile a reçu une lettre de sa femme. C’est bientôt le moment du battage des blés, il faudra le faire faire par un tiers. Nous sortons tous les soirs en ville.

16 août Dimanche matin, sortie à Nice, promenade en tramway. La ville est triste à voir, il n’y a que des militaires, les magasins sont fermés. Emile a rencontré le fils Cheyre (sans doute un camarade).

18 août Nous touchons notre fusil aujourd’hui, mais nous sommes toujours mal équipés.

20 août Le métier rentre, nous faisons maintenant de l’exercice journellement et quelques marches : ce matin départ à 4h00, retour à 9h00, marche facile, sans sac ni fusil (sauf ceux qui l’ont reçu). Le temps est affreux, il tombe une pluie battante. Il a fallu se changer au retour. Tous les jours, des femmes se présentent à la caserne pour voir leur mari qui a alors droit à une permission. Dommage que l’Ardèche soit si loin pour toi.

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29 août Le travail commence à changer, marche quotidienne et exercice le soir. Vous avez le bonjour d’Émile.

30 août Nous avons été équipé hier de fond en comble, 150 personnes soit la compagnie entière.

1 septembre Nous sommes prêts à partir. il me reste encore 60 cts. Nous ferons notre devoir. Je serai nommé sergent ce soir.

4 septembre J’ai reçu ton mandat, tes lettres. Nous partons sous peu, seulement 100 hommes.

5 septembre Le départ est prévu ce soir ? Nous embarquons à Nice puis Montélimar et Meysse peut-être se verra-t-on à la gare ?

7 septembre message écrit d’Avignon (sans doute jetée avec ses chaussures de civil à la gare de Meysse) « Arrivée à 3h00 départ prévu à 7h00 Emile est avec moi »

13 sept. Je suis en bonne santé, j’ai vu les méfaits de la guerre.

18 sept. Nous ne recevons aucune nouvelle.

19 sept. Je suis en bonne santé mais le temps est toujours affreux.

23 septembre décès d’Emile Lacroix au bois de Cheppy

26 sept. “Toujours en bonne santé reçu des lettres.”

29 sept. Non, je n’ai pas de nouvelle d’Emile. Nous sommes au repos depuis 3 ou 4 jours nous avons combattu assez longtemps avant. Puisse cette guerre se terminer au plus tôt.

2 octobre Je n’ai plus revu Emile : nous ne sommes plus dans le même bataillon. Il commence à ne pas faire bien chaud. Nous sommes toujours couchés dans les bois. Envoie-moi des chaussettes en laine et du papier à cigarette.

4 octobre Je n’ai pas besoin d’argent, il n’y a rien : partout où on passe, tout est brûlé. Je suis en bonne santé. Envoie-moi des chaussettes en laine et un pull marin, il commence à ne pas faire chaud. J’ai appris aujourd’hui par des camarades d’Emile qu’il a été grièvement blessé, peut-être Berthe a-t-elle été avertie…

7 octobre

On est dans des tranchées, à 500m de l’ennemi. On entend des balles siffler au dessus, mais on commence à y être habitué. Il me faut des chaussettes, un caleçon, des gants. Nous n’avons pas chaud, surtout pour coucher au dehors. Fais-moi aussi parvenir des tablettes de chocolat, de l’alcool de menthe et du tabac, du papier à cigarette et des allumettes. J’ai eu des nouvelles d’Emile par ses camarades mais ils ne savent pas où il est passé.

10 octobre Il fait froid, envoie moi un cache nez et à manger. Je n’ai toujours aucune nouvelle d’Emile.

15 octobre Nous sommes au repos depuis deux jours. Le temps est superbe depuis quelques jours, mais il se remet à la pluie. Je n’ai plus ni papier à lettre ni enveloppe.

23 octobre J’ai reçu aujourd’hui un colis (sucre, chocolat, chaussettes et gants). Je suis au repos depuis hier pour deux jours encore après 4 jours aux avant-postes. Il y a eu aujourd’hui une cérémonie religieuse pour les morts du bataillon. On mange bien mais pas en première ligne. Et il ne faut pas faire de bruit sinon les obus tombent : on est à 100 m de l’ennemi !

25 octobre Je suis toujours en bonne santé, j’ai reçu un colis. Envoyez-moi pipe et tabac, saucisson et chocolat

1 nov. Je suis toujours en bonne santé malgré de vives attaques de l’ennemi.

2 nov. Longue lettre où il raconte une attaque à la baïonnette et donne des nouvelles des pays (le Blachet n’est pas revenu). Marius Coutas a appris par Daria Lacroix qu’il n’y a aucune nouvelle d’Emile, il suppose qu’il est peut-être prisonnier ou pire.

24 nov. Longue lettre où Marius Coutas se plaint du froid. Il dû passer cinq jours et cinq nuits sans bouger dans une tranchée. Tout est détruit alentours. “Il est temps que cela se termine”

25 nov.Encore une longue lettre, Marius y décrit les ravages de la guerre en Belgique Il n’a pas eu de lettre depuis 10 jours. Il demande que l’on prie pour lui

27 nov. Je suis en bonne santé malgré le froid. Non, je n’ai aucune nouvelle d’Emile, ni du Blachet.

1 déc. Un petit mot envoyé par un camarade du même village annonce à Daria Lacroix que son mari est blessé grièvement.

23 déc. Longue lettre du même qui raconte la mort de Marius Coutas, le beau-frère d’Emile Lacroix, tué d’une balle en pleine tête à Ypres, en Belgique.

Ciel chiffonné

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Après l’orage du matin, le ciel est tout chiffonné.

Chantier à Brignoles

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Brignoles, bourg du centre Var. Le vieux centre, contre l’Hôtel des Claviers, tout près du musée, une maison déconstruite, effondrée, en cours de rénovation.
Rénovation radicale, parking en sous-sol, appartements au-dessus.

Une élection démocratique

Imaginez une charmante petite ville touristique…
Situons-là dans un pays imaginaire, pour ne fâcher personne, sur la Costa Azul, en Syldavie, par exemple, mais ça aurait pu être la côte sud de Westeros aussi bien.
Et puis, au hasard, nommons-là Sombreroche.

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Pour mettre un peu de vie dans cette histoire, organisons des élections dans cette commune, histoire de lui choisir un calife.

Bon, il y a le calife sortant, Ser Charybde Rousse, douze ans qu’il est là, un rapport de la cour des comptes au cul, deux auditions par les gens d’armes, quelques passages dans les médias, locales et nationales, une inculpation pour corruption à venir – c’est lui qui le dit- et bien sûr candidat à sa réélection. Soutenu par l’USP (Union Syldave Populaire) de JF Copa.
Face à lui, son ancien premier adjoint, Mr. Cousin, soutenu lui par la majorité départementale, elle aussi USP.
Et puis un divers droite centriste, Mr. Boudu, de l’UDS (Union Démocratique Syldave).

À gauche, nous avons Lady Boudu, femme du précédent, qui propose une liste d’ouverture mêlant socialistes, écolos et associatifs. Mais pas Monsieur.
Et puis il y a aussi Mr.Viré-Cutti, ancien conseiller municipal, qui souhaite aussi recevoir l’investiture du PSS, pour fusionner sa liste avec celle de Ser Charybde au second tour. Il a fait entrer quatre employés municipaux à la section locale du parti, ce qui lui donnerait la majorité (5 voix sur 9 militants). Car il aimerait bien devenir premier adjoint. Des fois que Ser Charybde, d’inculpé, ne se retrouve condamné. Il se verrait bien calife à la place du calife…

Et puis il y a ce petit jeune transparent, qui ne dit rien, qui ne fait rien. Juste il attend. Je ne saurais même pas lui donner un nom. Mais appelons-le Marin, Mr. Scylla Marin. Lui, son affiliation, c’est le FNS (Front National Syldave).

Comme d’habitude, un peu plus de la moitié des sombrerochoix restera à la maison le jour du vote. Et les électeurs auront le choix entre MM. Charybde et Scylla. Ainsi va la politique dans cette petite ville de la Costa Azul…

Et Mr. Marin de se frotter les mains.

Ou sa nou sa va?

Quelques éléments de réflexion sur une problématique personnelle.

La maison va être rasée, remplacée par un immeuble financièrement plus rentable pour son propriétaire. Le fric semble être la seule dynamique qui vaille dans cette ville de retraités frileux et haineux. Ne pas oublier qu’elle ne vit que de l’exploitation du vieux et du touriste. Je ne vieillirai donc pas raphaélite. Tant mieux.

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Il va donc falloir me poser. Ailleurs. Les options…

La Côte d’Azur, de Nice à l’Estérel ? Trop cher, trop brun aussi. Et puis j’ai dit ailleurs.

La région toulonnaise ? Connue par coeur, des amis, mais le sentiment de revenir au point de départ. Et puis le Mistral…

Marseille ? Plus loin, plus ouverte, un autre port. Un point de départ. Pourquoi pas. Mais le Mistral…

Nantes, Rennes ? La Bretagne, la famille. Des amis. Un retour aux sources. Mais la pluie…

Nancy, Metz, voire Lille ? Le Nord, une autre porte, vers l’Europe cette fois. L’inconnu, pour moi. Le froid, la neige, les ciels gris acier. Et puis Ronan, pas loin. Mais la pluie…

Un rêve. Rome. Per la lingua, per la gente, per la cucina. Mais on m’a trop traité de rêveur…

D’autres lieux, d’autres lattitudes, mais finir vieux vazaha ridé par l’alcool et le soleil, la risée des gamins du coin, bacoco, คนเดิม ou babban. Non.

Ou alors, se donner deux ans, trois ans. Louer un garage et y empiler ce qui reste de nos vies passées, meubles, bibelots, livres. Tout ce qui nous bride, tout ce qui nous enchaîne quelque part. La chèvre de Monsieur Seguin. Relire le conte d’Alphonse Daudet.

Disons… La Guyane d’abord. Parce qu’il faut bien commencer. Et puis le Brésil, Buenos Aires, la Patagonie. Remonter par le Chili, Chiloé bien sûr et Santiago, le port de mes lectures adolescentes. Et puis quoi, San Francisco, les USA, et même l’Alaska… Un petit tour par l’Asie, Kwala Lumpur, voir la famille, la Thaïlande, Viet-Nam et Cambodge. Un bout d’Australie. Ne pas oublier l’Inde, si je veux qu’AM m’accompagne !

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Penser à saluer les amis, Réunion, Mayotte, Madagascar. Et finir par un tour en Afrique du Sud. Dix mois donc, pour la convaincre.

Farfelu ? Mais dis-moi, à quoi servent les rêves, sinon à être réalisés ? Le loup aura bien le temps de me manger, comme le dit Daudet à Gringoire, à propos de sa chèvre : e piei lou matin lou loup la mangia.

Drapeù

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Après-midi orageuse

Ciel de mistral

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L’arrivée des soucoupes volantes,
en attendant le vent d’hiver.

Méditerranée

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Quand le ciel rencontre la mer…