Il faudrait que je me souvienne

Il y a trois ans, marcher dix minutes était une souffrance…

Il faudrait que je me souvienne, tous les symptômes étaient présents, fatigue, perte de poids, perte d’équilibre, suées nocturnes, toux. Je n’en savais rien, mais ce regard de K. qui m’a croisé a l’aéroport, ce calvaire d’un voyage en voiture jusqu’à Rennes…

Il faudrait que je me souvienne, les soignants. L’hématologue que j’ai cru timide. Il tournait autour du mot, mais quand il l’a prononcé, c’était pour en ajouter d’étranges, agressif, stade quatre, traitement, chance… Il y a eu d’autres soignants, attentionnés, j’ai oublié leurs noms, sauf Stella, un médecin, et Nora, une infirmière.

Il faudrait que je me souvienne des malades, ceux qui étaient perdus, ceux qui étaient là depuis des années, des hommes, des femmes, un adolescent, des vieillards, les habitués, les novices. Sorti de soin, aller vomir, me vider les intestins, et puis délirer, dormir…

Il faudrait que je me souvienne des amies, toutes celles qui m’ont soutenu, porté pendant ces mois de chimiothérapie. Celles que j’ai vues comme celles qui sont restées en retrait. Et puis les autres, celle qui s’est crue directrice à ma place, celle qui a dit On ne le reverra plus

Trois ans ont passé. Les effets de la chimiothérapie ont été terribles. Aujourd’hui encore, j’en perçois des réminiscences, comme des lambeaux de brume accrochés à une colline. Moins qu’hier heureusement.

Tout à l’heure, j’ai couru une petite heure, neuf kilomètres. Du temps qu’il nous reste, il ne faut pas en perdre un instant.