Alasora

Alasora est une commune rurale proche d’Antananarivo.

C’est l’une des douze collines sacrées de la ville. La plus ancienne, puisque, selon la tradition, elle aurait été fondée au seizième siècle par un certain Rangita. C’est donc le berceau de la culture merina, celle qui domine Madagascar depuis deux siècles.

De tout cela, il reste peu de choses, des traditions, un tombeau bien entretenu et quelques murs séculaires de terre crue, dans lesquels les habitants d’aujourd’hui on creusé des ouvertures. Et des rizières en terrasse qui façonnent le paysage.

Le village doit aussi sa notoriété aux potiers qui travaillent à l’ancienne, sans tour ni outils. Ils utilisent la terre des rizières et leur four traditionnel fonctionne à la paille et au bois. Les hommes préparent l’argile et le bois, les femmes façonnent les pots, et cela de génération en génération.

Aujourd’hui le village d’Alasora est entouré de riches propriétés qui grignotent cette vie rurale immuable. Il ne faudra que quelques années à Tana pour l’absorber.

Petite promenade en ville

Il fait beau et chaud, aujourd’hui, il est midi. Sur un mur de briques, la silhouette s’étire, les ballons l’emportent loin de son quotidien. Moi, j’allais me promener du côté d’Antaninarenina.

Comme d’habitude, on m’a proposé de la vanille, du poivre, du poivre sauvage, des litchis, de la vanille, des girolles, des pamplemousses roses, de la vanille encore, des palmiers, des citrons, des pierres, brutes ou taillées, en direct d’Antsirabe qu’il me dit, toujours de la vanille…

Antaninanerina, c’est un quartier de touristes, hôtels, restaurants, bijoutiers,…

J’ai aussi croisé des chiens écrasés par la chaleur, des familles migrantes installées sur le trottoir, des enfants qui quémandent, de jeunes mamans qui mettent leur bébé en avant, pour du lait, des médicaments, une altercation, un rasta qui se battait avec un jeune malgache, attirant le regard des passants, des taxis à l’affut, attendant le client…

La misère de tous les jours.

J’étais allé chercher des bananes, je n’en ai pas trouvé.

Saison des pluies

C’est l’été. Il a fait chaud. Chaud et orageux, éclairs, tonnerre et trombes d’eau en fin d’après midi. Et son lot de coupures de courant. Un temps agréable et angoissant. 

Depuis quelques jours, le temps a changé. Un temps bien établi. Crachin, pluies faibles, pluies modérées et averses alternent, sous un ciel gris lumineux à gris plombé. Un cyclone s’éternise dans le nord-ouest de l’île, avec son lot de calamités.

Cette nuit, encore une coupure de courant. Ce sont les onduleurs de la box qui bipent et nous réveillent. Dehors, pluie fine. Ce matin, l’eau crachote au lavabo, explose. De l’eau rouge, chargée en boue, comme après chaque coupure.

Plus de courant, plus d’eau. On s’habitue. Mais quand même. Brosse à dent à la main, j’hésite. Je me dis qu’on a plus de chance que les habitants de la région de Majanga.

Derrière la lumière

La vie est douce à Madagascar, le climat agréable, la nature splendide et généreuse. Mais…

Je marche beaucoup dans la ville, par les rues comme par les escaliers qui relient les quartiers entre eux. C’est une ville de collines que je parcours à pieds ou en taxi. Je suis souvent le seul blanc dans une foule colorée. Le moindre recoin, la moindre porte est occupée de petits commerces informels, cigarette à l’unité, recharge téléphonique, beignets, fruits et légumes, vin en vrac, viande de boeuf ou petits poissons séchés, tous les ressources possibles pour survivre sont là, à même le sol ou sur des planches ou des cartons, tous ces commerces qu’on trouve dans une grande ville, et même les plus improbables. C’est pauvre, mais c’est joyeux, c’est vivant, c’est plein d’éclats de voix, d’éclats de rire, c’est coloré, lumineux.

Mais il y a des ombres, de plus en plus d’ombres dans cette ville. Des formes qui dorment sous des couvertures grises, des femmes, des bébés, à même le sol, des vieillards également. Il faut les croiser, les dépasser, ne pas s’arrêter. Un enfant qui joue, avec un bout de plastique et un peu de sable, avec un pot de yaourt l’eau d’un caniveau. Ils sont si nombreux. Je pense à ce bébé, dans un carton, comme dans un parc. Cette jeune fille qui pleurait à gros sanglots, ces familles sous l’orage, un plastique en guise de toit.

Le passage de la ligne

Voici donc un nouveau départ vers l’ailleurs.

Première étape, l’arrivée, précédée par un vol éprouvant, Anne-Marie coincée contre un ancien truand marseillais dépassant le quintal et demi, drapé dans un survêtement de l’OM. De mon côté, je me suis battu une partie de la nuit pour l’accoudoir avec un malgache mutique, notre conversation s’étant limitée à tchin-tchin, quand nous avons levé nos verres de Red Label, au moment du repas. Lui a regardé toute la nuit des films sous-titrés. Il n’avait pas d’écouteurs.

Descendus de l’avion, les passagers sont rangés sur trois files, la notre étant celle de l’ambassade. Après avoir bien pris le soleil sur le tarmac, direction la prise de température automatique. Pour Anne-Marie, l’appareil n’a pas pu fonctionner, elle est mise de côté. Ensuite passage dans un sas de décontamination intelligent. C’est écrit sur la porte.

Je fais la queue aux passeports, où Anne-Marie finit par me rejoindre sans qu’elle ne soit passée par le sas de décontamination. Le fonctionnaire détache les différents volets du document que nous avons rempli, il y en a quatre, et nous en rend un. Passage dans un tout petit salon où doit se dérouler le test PCR. Pas plus de trois en principe, mais on est six, plus le médecin et trois infirmières. Les autres attendent dehors.

A un moment le médecin sort, il n’a plus de test. Il revient avec quatre militaires bien décidés à faire accélérer les choses, remplissant les formulaires, mais la barrière de la langue n’aide pas. On veut me faire remplir un deuxième formulaire alors que je suis en train de me faire grattouiller le nez par le médecin. Il n’a pas cherché loin et n’a testé qu’une narine. Ça chatouille le nez. C’est au tour d’Anne-Marie, qui doit répondre à l’appel de son nom alors que le médecin lui triture le nez. Maintenant, elle tient l’écouvillon que lui a remis le médecin après le test et se demande bien qu’en faire. Une infirmière l’en débarrasse.

On sort, laissant dans le salon une pile de feuilles sur la table et un carton plein de petits sachets. Bon courage à celui qui fera le tri. Passage au visa et tampon rouge. Important le tampon. On récupère les bagages, on sort en file indienne, les bagages sont à nouveau désinfectés, puis jetés sur les toits des bus qui nous attendent. Il y a des gendarmes partout, le périmètre est sécurisé.

On partira en convoi jusqu’à l’hôtel, où nous resterons confinés. On pourrait être dans n’importe quelle ville de France, sauf qu’on y mange bien et que la vue est déroutante. Une lampe ne marchant pas, on nous a envoyé un cosmonaute pour la changer.

Pas question ici d’apéro dans les chambres ni de discussions dans les couloirs. J’ai le temps d’écrire, alors j’en profite. A côté, Anne-Marie fait du Yoga dans les rayons du soleil couchant.