Eux tournent le dos à la foule qui se presse, au parking qui se remplit.
A quoi pensent-ils, le regard tourné vers l’horizon ?
Beaucoup de tendresse, de complicité, dans cette famille.
Au début, on a rien vu venir.
Une colonne de fourmis, toute bête, le long d’une plinthe. Et puis leur ruée sur une miette, rien d’inquiétant jusque là. De toutes petites fourmis grises et puis des fourmis rouges, qui mordent, cruellement, douloureusement. Une colonne de fourmi passait devant le lit, une autre sous le bureau de l’ordinateur. Aïe, ça pique ! D’autres venaient de l’extérieur.
Et les nids ont commencé à faire leur apparition, dans un pot de fleur, dans le scaneur, dans la couverture d’un livre, dans une prise de téléphone, et puis peu à peu sous tout ce qui trainait, un vêtement rangé dans l’armoire, la friteuse, entre la trousse de toilette et le mur, sous une feuille de papier oubliée… partout.
Et, un jour, des taches noires au plafond de la cuisine, des fourmis qui ont trouvé des restes de graisse là-haut, une autre fois dans le pain, dans la salade, dans l’assiette ! On a réagi, tué les nids, mis le pain dans des sacs fermés. Elles ont trouvé un trou, au matin, le pain était plein de fourmis.
On est malin, on a mis de l’eau autour des assiettes, des moustiquaires au-dessus, pour protéger le pain, les gâteaux. Hier matin, les fourmis faisaient des boules sur l’eau pour nager, atteindre leur nourriture. Elles ont réussi. Aujourd’hui, on a remplacé l’eau par du vinaigre. Si ça ne suffit pas on essaiera le pétrole.
Le rendez-vous était fixé à sept heures. Le soleil a choisi la même heure pour pointer son rayon. Grande douceur dans le ciel ce matin, sur un champ de canne à sucre, avec au loin l’entrée du cirque de Cilaos et la commune de l’Entre-Deux. Au fond les crêtes du Piton des Neiges.
La Réunion est encore un paradis pour les oiseaux. Ils pourront se reposer sur les toiles que tissent les techniciens de France Telecom à travers l’île. Ici, rien n’est enterré, tout est en l’air, enchevêtrement complexe de câbles et de poteaux de bois.
Et de temps en temps, une pelleteuse, un camion chargé trop haut, ou tout simplement un voisin irascible emporte un de ces fils. Il faut attendre le réparateur. Et comme il faut quelquefois attendre longtemps, on y place des rubalises qui signalent le danger. Mais qui n’améliorent rien. Des enfants sont partis avec les rubans, ces derniers jours, le fil traîne toujours….
Tous les matins, en allant à l’école, je le vois, juste avant la Pointe au Sel. Il est appuyé sur un bâton d’habitude, entouré de ses chèvres. Elles mangent l’herbe rase de la dune, arrachent les patates à Durand, et lui regarde l’horizon.
Ce matin, il n’a pas sa canne, ses cabris sont dispersés sur la plage, mais il regarde toujours l’horizon.
En langage météo, cela s’appelle un train de houle qui vient s’attaquer à la côte ouest et sud de l’île. C’est le reliquat de tempêtes australes qui vient mourir sur les rochers. De là le grondement et les explosions qui montent du débouché de la ravine Ruisseau jusqu’à la maison.
Il y avait eu des dégâts, il y a deux ans. Cette fois-ci Météo France ne prévoit pas de vagues de plus de huit mètres. Les pêcheurs n’ont pas sorti leurs pirogues sur le stade.