Une visite à l’hôpital

Vendredi

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Une tempête est annoncée. L’île passe en vigilance cyclonique ce soir. De retour d’une réunion de suivi des stagiaires à Petite-Ile, je m’arrête dans un supermarché de Saint-Pierre acheter quelques bricoles. C’est la cohue, les gens achètent des packs d’eau, ou des packs de bière, chacun ses besoins.

Samedi

Le vent a soufflé toute la nuit, dense comme celui qui enveloppe une voiture sur autoroute. Depuis c’est une alternance de bourrasques et de crachin, toutes les plantes sont tassées dans un coin abrité de la cour. Les cannisses tentent de s’envoler.
A dix-huit heures, il n’y a plus de courant…

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Dimanche

Dans la nuit, je suis réveillé par le vent, la pluie. Derrière, un grondement sourd, comme un roulement de tonnerre en continu. C’est le vent qui tombe sur nous, violemment. Les fils électriques se mettent à siffler, les fenêtres, les ouvertures dans les volets, tous se mettent à chanter sur des tons différents. Et la pluie se met à tomber, recouvrant tous les sons d’un fracas monotone.
On se rendort.
Le matin tout est calme. La houle et le vent se déchaînent sur la côte. Un cargo est à la cape devant l’Etang-Salé. A la radio, c’est une litanie d’annonces et de témoignages. Un animateur annonce dix mètres de pluie en 24 heures avant de se corriger.
Jusqu’à cet auditeur qui téléphone pour dire qu’en allant boire un coup il a vu le pont sur la rivière Saint-Etienne tomber. Il faudra quelques minutes pour en avoir la confirmation, la rivière a emporté la quatre voies !
Plus de liaison Saint-Louis Saint-Pierre, nous sommes coupés du sud, moi de l’iufm et de mes stagiaires, Anne-Marie de l’hôpital où elle a un rendez-vous mardi.
Il faudra passer par la montagne et la route du volcan pour s’y rendre. Deux cents kilomètres de virages au lieu de vingt d’autoroute!

Lundi

L’alerte rouge est levée, l’électricité est revenue.
Il faut partir, passer la nuit à l’hôtel pour être mardi à 8h00 à l’hôpital.
Toujours une litanie d’annonces sur la radio, le cyclone semble hésiter. On part finalement à midi, sans Ronan. Au cap Lahoussaye, la mer est énorme, gris terne, les rouleaux se suivent et viennent mourir sur la route. Sur la quat’ voies, on roule au pas et la montée de la montagne se fait sans problème : quelques fils sur la chaussée, des branches, un arbre abattu, et des bosquets de bambou qui giflent la voiture au passage. Des torrents dévalent, un énorme rocher est posé sur la chaussée, au niveau de la ravine à Malheur. On redescend sur Saint-Denis dans le brouillard.
Jusqu’à Saint-Benoît la route est belle. La montée vers la plaine des Palmistes commence dans le crachin, elle finira dans la tempête. Au village, des silhouettes nous dévient, la route est barrée. Plus loin, on avance en convoi, la pluie nous fouettant par rafales. La montagne descend en cascades.
Au Pas de Bellevue, les tourbières sont inondées, on ne voit plus la route, couverte de plus de dix centimètres d’eau. A Bourg-Murat, la route recommence à descendre. Mais c’est maintenant un torrent qui charrie galets et branches d’arbres. La radio annonce que la route de la Montagne est fermée, sept tonnes de rochers l’ayant obstruée. On ne peut plus renoncer.

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On arrive à Saint-Pierre en fin d’après-midi. L’île est repassée en alerte orange, le cyclone a fait demi-tour.

Mardi

Visite à l’hôpital, où tout est désorganisé : les routes sont barrées par des ravines en crue. Les examens finis, les rendez-vous pris pour demain, ou après-demain, cela dépend du cyclone, il faut trouver un point de chute. L’alerte rouge est programmée, de toute façon, les routes sont interdites. Des courses urgentes d’abord, médicaments et sous-vêtements, puis on passe par des chemins détournés, en évitant les rues inondées et les ravines en crue pour rejoindre Alain et Nicole qui vont nous héberger, puisque nous voilà réfugiés, en quelque sorte, à Saint-Pierre. Plus haut, un champ de canne, une énorme masse d’eau jaillit en grondant et retombe dans son lit.

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Mercredi

Le cyclone s’est éloigné, les ravines sont à nouveau à sec. Le retour est long, sans la pluie ni le vent, mais dans les embouteillages dus à la désorganisation de l’île.
Jeudi
La préfecture annonce que le tronçon de pont restant entre Saint-Louis et Saint-Pierre pourra être utilisé.
Soulagement.