En route pour…

Samedi
Départ ce matin, pas si tôt, rien de prêt…

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Jolies vues sur la campagne provençale…
Et puis la vallée du Rhône, violent mistral, air frisquet, la température tombe à 15°. Je suis en teeshirt, bien sûr.
A l’arrière, le chat miaule dans sa cage. Il va finir par se calmer, par dormir tout le long du voyage. Il est gentil, il aura juste un peu perdu ses poils, le stress.
Embouteillages, ralentissements, deux heures de perdues, après Valence, à l’entrée de Lyon.

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Il y a de l’énervement dans la voiture…
Moi, je reste zen. Trop épuisé pour râler.
Et puis, passé Mâcon, la circulation s’espace, les routes rétrécissent, quatre voies, trois voies, deux voies.
Des noms de carte de géographie, la Meuse, la Marne, la source de la Saône…
Et la route rétrécit encore, traverse des bois sinistres. Pointe l’angoisse, la peur de s’être perdu. Du loup. Atavisme lointain.

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Et puis on arrive en pleine cambrousse, c’est la Vosge. Le ciel s’éclaircit.
On a roulé onze heures.
Ronan allume un feu dans la cheminée. Le ciel s’assombrit.
Repos cette nuit. Je pressens un profond calme pour les jours à venir…

Retour sur une journée d’été

C’est pas pour me vanter, mais je n’ai pas fait grand chose, juste suivi une volonté qui me semblait légitime, celle de deux jeunes femmes en colère. Sans entrer dans les détails, c’est l’histoire de cinq ou six gugusses qui décident d’aller rencontrer le Président de la République, puisqu’il est ici en vacances, et ce sous les sarcasmes de certains militants sérieux, et qui arrivent à leurs fins.
Bien sûr, ça a été du travail, la rencontre a été préparée, les rôles distribués avant. Le tout s’est déroulé autour d’une table, nous six, le Président et son aide de camp. Nous avons pu parler pendant une vingtaine de minutes, il nous a écoutés et répondu. Mais ça, c’est une autre histoire dont on a rendu compte devant les autres militants.
Moi j’ai trouvé fascinant de voir fonctionner de l’intérieur les rouages du pouvoir, qu’on ne distingue que de très loin d’habitude, les hommes aux aguets, dispersés à courte distance, les sportifs qui parlent dans leur main, oreillette à l’oreille, la précision du politique, mais aussi la simplicité de l’accueil.
Et puis au retour, j’ai trouvé amusants ces touristes qui nous regardaient marcher, nous montraient du doigt en chuchotant « Qui c’est, qui c’est, tu les reconnais, tu crois que… » en brandissant leurs appareils photos.

breganconA la sortie, nous attendaient les caméras et les micros des médias. Qui nous filmaient, nous interrogeaient. « Qu’est-ce qu’il a dit ? Comment il va ? Et vous l’avez vu, Elle ?… » Difficile pour les deux porte-parole désignés de ne pas se couper. Et là aussi, les badauds filmaient les caméras nous filmant… et ce soir ils se rechercheront à la télévision. Comme cette tête, ce type aux cheveux noirs qui s’est invité dans notre groupe, silencieux, sans qu’on sache qui il était, entre Mina et moi.
Après, l’excitation est retombée, et là, on a pris conscience de ce que l’on avait fait. On a su que la Sécurité était sur les dents. Des inconnus reçus par le PR, à l’extérieur, qui plus est, sans même qu’ils ne soient fouillés…Une première à Brégançon. On a aussi mesuré le travail qu’il nous restait à faire à la suite de cette rencontre.
Encore une fois, sans la volonté d’Anne et Mina, sans l’obstination d’Ivan et de William, rien ne se faisait.

Une histoire de famille (1)

Mon grand-père venait de la montagne ardéchoise. C’est ainsi que je le vois, c’est ainsi que je me le raconte. Bien sûr, son histoire, celle que je vais raconter ici, n’est pas forcément celle des autres. Ni la sienne. C’est une famille de silences, de secrets, et chacun en porte sa part. Voilà la mienne.

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Georges, instituteur de village, photographe, roulant à moto sur des routes désertes. Marié en 1927, son épouse meurt quelques mois plus tard. Le médecin arrivera trop tard. Mais chut, on ne le saura que dans les années quatre-vingts, en marge d’un extrait d’état-civil. Paule, une femme sans visage, un souvenir oublié. Au détour d’une conversation, je saurai par ma grand-mère que son portrait est resté longtemps sur la table de chevet de leur lit. Mes grands-parents s’étaient mariés en 1929, quelques mois après ce premier décès. Elle en a souffert, de ce portrait, ma grand-mère Yvonne, de ce souvenir tragique entre elle et lui. Jusqu’à ce qu’il disparaisse un jour. Un jour où Georges a failli perdre sa seconde épouse. Le jour où il a choisi la vie.

1929. Ils quittent l’Ardèche pour le Maroc. Fuient-ils les souvenirs mauvais, partent-ils à la découverte du monde ? Marrakech d’abord. On envoie des photos à la famille, on montre cette nouvelle vie. Les amis, l’école, la ville, la maison, l’intérieur de la maison. Sur une de ces images, un lit, une table de chevet, sur celle-ci est posé un cadre. Une silhouette parait, une femme assise sur un muret. Peut-être l’image de cette Paule perdue. Sa seule trace, avec quelques vieux livres où une plume mystérieuse avait écrit son nom.

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Ma mère va naître à Marrakech, début de mes petits soucis de français de seconde zone. Je lui dois des heures d’attente dans les couloirs de commissariats, de préfectures, de tribunaux, à répondre à des questions stupides. Mes grands-parents n’y resteront pas, retrouvant très vite les montagnes, celles de l’Atlas, à Ifrane…

Une histoire de famille (2)

Là-bas, à Ifrane, la famille s’agrandit, trois filles. La vie y est douce, sportive, insouciante. Randonnées, piscine, tennis, promenades à vélo l’été, ski l’hiver, sorties avec les amis… Une vie d’expatriés, européenne, le Maroc et ses habitants en simple arrière-plan.

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Sur certaines photos, un visage raturé, caché, aboli à coup de stylo rageur. Visage de femme, toujours la même. Je me souviens d’un mot de ma mère, à propos d’une amie de Georges. Était-ce elle, celle que ma grand-mère n’aimait pas voir près de son mari. Je la vois, Yvonne, jalouse, parcourant les images de son passé, effaçant d’un geste sec les traits de celle qui avait troublé sa vie. Et puis elle souriait, une pensée revancharde la traversait. « Qu’elle aille se faire foutre ! »… Son expression favorite.

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L’été, il y a la traversée pour la France, le retour vers la famille. L’été 1938 est particulier, pour moi. Il y a des photos de vacances dans un paysage qui m’est familier. La Côte d’Azur, Cavalaire, les plages de mon enfance apparaissent. Et deux familles réunies, heureuses, le frère et la soeur réunis. Ils ne savent pas qu’ils ne se verront plus. La guerre reviendra quelques mois plus tard, la même qui avait emporté leur père, un jour de septembre 1914 emportera le frère, quelque part dans la Somme. Parmi les photos, il y a la lettre porteuse de la nouvelle. Lettre qui fait écho à d’autres. L’encre y est tachée de larmes.

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Au Maroc, ils sont descendus de la montagne, en garnison dans le désert aujourd’hui algérien, Béchar. Mais la guerre est toujours là, bruyante. Mon grand-père rejoint la 2ème DB, débarque en Normandie, participe à la libération de Paris, de Strasbourg, et à la campagne d’Allemagne, jusqu’à Berchtesgaden, le nid d’aigle d’Hitler. Il refusera toujours d’en parler à ses petits enfants. Sa seule réponse à nos questions, la guerre, ça n’est pas beau à voir, les gens y sont laids, et l’odeur, surtout l’odeur, ça ne l’oublie pas.

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Une histoire de famille (3)

Pendant la durée de la guerre, la famille s’installe à Safi, au bord de l’océan. Finies les montagnes, fini le désert. C’est un nouveau décor où naîtra mon oncle Jean-François, au moment où son père se prépare à débarquer en Normandie. Á son retour commence alors ce qui ressemble à une longue période de tranquillité. Mon grand-père devient une sorte de notable local. Le temps se partage entre le travail pour lui, le jardin pour ma grand-mère, et puis des voyages en voiture, au Maroc, en Espagne, en France. Les jeunes filles qui grandissent, sans doute avec les mêmes rêves que toutes les jeunes filles. Mon père va entrer dans ce paysage, épousera l’ainée des deux filles, et moi, je suivrai très vite.

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Des deux filles, parce que, ces albums de famille le disent bien, la troisième, la blonde souriante des photos a disparu, emportée par la maladie, à 13 ans. Il y a un vide, un an de silence et puis la vie semble reprendre. Mais une liasse de portraits, retirages, colorisés pour certain, du même sourire timide. Et ces lettres, toujours les mêmes larmes…

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Tout cela, je n’en sais que des bribes. Pudeur familiale, douleur contenue, personne ne me l’a jamais vraiment raconté. Une phrase entendue quelquefois, c’est tout. Il faut l’écrire pour voir s’enfiler comme des perles cette succession de malheurs, de pertes. La suite de mon histoire est à l’image de son début. Mes grand parents vont quitter le Maroc, pour la côte d’Azur, Hyères, puis Cavalière. Sans doute pour se rapprocher de cette période heureuse où la famille était réunie.

jacky--68b27Jamais je n’ai entendu parlé de religion, dans la famille. Trop de malheurs pour accepter l’idée même de Dieu… Ni mon grand-père ni ma grand-mère ne sont plus de ce monde, et j’imagine que ces voyages, ceux qu’il faisait en voiture les dernières années, en Ardèche, au Maroc, le renvoyaient à son passé, à ces souvenirs perdus, ces personnes que je n’ai jamais connues.

Codicile

L’autre jour, à Hyères, je parlais de vieilles photos et là brusquement, ma mère a laissé percer une émotion rare. Lui sont revenus la douleur de la perte de sa soeur, le peu de cas qu’il a été fait de sa douleur à l’époque. Elle avait dix-neuf ans, à peine sortie de l’école normale, son père l’a faite rentrer à la maison, afin qu’elle prenne soin de sa mère, effondrée, de son petit frère, tout juste quatre ans. Pas de liberté, son autre soeur toujours en pension, personne ne lui a pris la main, personne ne l’a consolée.

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Et puis ces trois années adolescentes, passées à l’internat, d’où l’on ne sortait qu’à Noël et pour les grandes vacances. Des dimanches en solitaire, à rêver aux amies retournées en famille. Et des détails, l’uniforme, peu seyant, le chapeau, remplacé par un bérêt qu’on pouvait glisser dans la poche, les rares sorties avec des amis de la famille… Voilà la raison de ces photos toutes prises à Rabat, loin de Safi la souriante. Moi, j’ai choisi une photo qu’on imagine colorée, la sortie des classes, joyeuse, arrogante.

Le souvenir qu’elle garde de son père, de mon grand-père ? Sa dureté surtout, la dureté de sa terre natale. Et malgré tout le sourire. C’est à Safi qu’elle a croisé mon père, qui la fera sortir de la prison familiale, jusqu’à la mener au mariage.

Rose de bassin

More roses for a sunny morning.

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Ce matin le chat nouveau a joué, avec les laitues d’eau du bassin. Top, top, quelques coups de pattes pour les agiter, un coup de griffe et voilà une grappe sortie. La suite ne fut qu’un jeu de chaton. Saisie au collet, la proie inerte, est trainée dans la maison, jusqu’au canapé, où elle sera dépecée, déchiquetée, massacrée.
Une flaque d’eau, du bassin à la cuisine, signe le passage du fauve. Le canapé sèche au soleil.

Library et librairie

Petit moment que je n’ai rien écrit. Occupé de ci de là, réunions, tracts, diffusion d’informations, ça prend du temps. Quelques photos prises à la volée, jetées sur un site social bien connu, comme ils disent sur les ondes de Radio France. De petits moments décalés, juste un truc qui dérange, un détail en passant.

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La bibliothèque municipale de Saint-Raphaël, la Médiathèque, je devrais dire, un lecteur, un espace ouvert sur les toits, sur la vieille église, le vieux village. Un espace sans livres, un espace où les livres sont le décor, sont un décor.

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Une librairie toulonnaise, qui balance, Le Sacré Chœur ou Le Sacré Cœur, librairie musicale ou librairie catholique. Apparemment religieuse, puisqu’on y trouve des vêtements ecclésiastiques. Mais qui a fauté, le libraire, l’évêché, le peintre en lettres ? Couleur de pub irlandais paré pour la Saint Patrick, en tout cas.

Sourire

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Je vis.
Elle, elle est heureuse,
elle ne le sait pas.
Quelquefois elle s’inquiète
D’être seule encore
mais elle est heureuse.
Moi je la regarde et je souris.

Parfois m’effleure une présence,
silencieuse.
Je me retourne,
ne voit qu’une absence.
Alors, m’embrasse
ce voile de solitude,
Ce noeud glacé au fond de moi.

Je la regarde et je souris.
Je vis.

Jour de pluie

Belle journée sur la ville, ensoleillée, calme. Et pourtant, la lumière dorée prend une drôle de couleur, dehors. Un rideau se déploie derrière les pins parasol. 

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Il va pleuvoir.
Il pleut.

il-pleut