C’est pas pour me vanter, mais je n’ai pas fait grand chose, juste suivi une volonté qui me semblait légitime, celle de deux jeunes femmes en colère. Sans entrer dans les détails, c’est l’histoire de cinq ou six gugusses qui décident d’aller rencontrer le Président de la République, puisqu’il est ici en vacances, et ce sous les sarcasmes de certains militants sérieux, et qui arrivent à leurs fins.
Bien sûr, ça a été du travail, la rencontre a été préparée, les rôles distribués avant. Le tout s’est déroulé autour d’une table, nous six, le Président et son aide de camp. Nous avons pu parler pendant une vingtaine de minutes, il nous a écoutés et répondu. Mais ça, c’est une autre histoire dont on a rendu compte devant les autres militants.
Moi j’ai trouvé fascinant de voir fonctionner de l’intérieur les rouages du pouvoir, qu’on ne distingue que de très loin d’habitude, les hommes aux aguets, dispersés à courte distance, les sportifs qui parlent dans leur main, oreillette à l’oreille, la précision du politique, mais aussi la simplicité de l’accueil.
Et puis au retour, j’ai trouvé amusants ces touristes qui nous regardaient marcher, nous montraient du doigt en chuchotant « Qui c’est, qui c’est, tu les reconnais, tu crois que… » en brandissant leurs appareils photos.
A la sortie, nous attendaient les caméras et les micros des médias. Qui nous filmaient, nous interrogeaient. « Qu’est-ce qu’il a dit ? Comment il va ? Et vous l’avez vu, Elle ?… » Difficile pour les deux porte-parole désignés de ne pas se couper. Et là aussi, les badauds filmaient les caméras nous filmant… et ce soir ils se rechercheront à la télévision. Comme cette tête, ce type aux cheveux noirs qui s’est invité dans notre groupe, silencieux, sans qu’on sache qui il était, entre Mina et moi.
Après, l’excitation est retombée, et là, on a pris conscience de ce que l’on avait fait. On a su que la Sécurité était sur les dents. Des inconnus reçus par le PR, à l’extérieur, qui plus est, sans même qu’ils ne soient fouillés…Une première à Brégançon. On a aussi mesuré le travail qu’il nous restait à faire à la suite de cette rencontre.
Encore une fois, sans la volonté d’Anne et Mina, sans l’obstination d’Ivan et de William, rien ne se faisait.