Tempus Fugit etc…

Les vacances fugitent aussi.
Déjà dans les cartons, mais ce sera pour un autre post.

Les enfants sont rentrés, Gwenael le dernier. C’est à ces moments que l’on prend vraiment la dimension de l’île et son éloignement. L’aéroport tient, avec la barge qui relie les deux îles, une place particulière dans l’imaginaire des gens ici. Cela se voyait dans les dessins de mes élèves, cela est encore plus criant dans le cérémonial d’adieu ou de bienvenue, familles au complet, tenues d’apparat, bijoux et cravates, enfant en smoking…

L’été, enfin l’hiver ici, c’est le départ des métropolitains. Dans notre rue, il n’y a que deux maisons encore occupées.

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Et les mahorais reprennent possession de leurs plages, enfants qui barbotent, jeunes filles qui se promènent, qui se montrent, garçons qui les interpellent.
Et aussi un spectacle moins courant, des djaoulas – c’est ainsi qu’on appelle avec un peu de mépris les traditionalistes locaux – qui amènent leurs épouses à la plage. Le mari de celles-ci ne s’était même pas mis en short, il était resté assis sur un pliant, à l’abri d’un baobab.

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Ce jour-là, on a eu la visite d’un groupe de dauphins venus nager au bord de la plage. Spectacle encore plus curieux, le lendemain, un banc de bonites est passé dans la baie. Je me demandais ce qu’était cette énorme bosse sombre à la surface de l’eau, quand j’ai distingué des centaines de bonites qui fusaient dans tous les sens. La même chose s’est reproduite un peu plus tard.

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La bonite est à deux euro le kilo sur le marché de Mamoudzou.

Vacances d’hiver

Eh oui, ici ce sont les vacances d’hiver. Nos premières grandes vacances en hiver.

Le temps est agréable, très venté, avec quelques passages de cirrus élevés qui donnent au ciel un aspect laiteux, blanc disent les mahorais. Mais la température n’est pas tropicale, Aurélie a même demandé un gilet à sa mère hier soir, et l’eau du lagon, agitée par le vent est quelquefois fraîche : au bout d’une heure, il faut en sortir !
Puisque nous sommes là, avec les enfants, c’est l’occasion de sortir sur terre, de visiter l’île dans tous ses recoins, de faire les quelques randonnées disponibles.
Voilà en quelques images, le compte-rendu de notre ascension du Mlima Choungui, 600 mètres de dénivelé.

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D’abord, il faut monter sur les crêtes par un chemin qui grimpe entre les cocotiers, les bananiers et les zébus. Facile, même si on est partis un peu tard, le temps de réveiller et d’habiller tout le monde, et puis de préparer le pique-nique. Du coup, pause pique-nique précoce, avant même d’avoir atteint les crêtes.

C’est là qu’on rencontrera l’unique utilisateur du sentier, un mahorais armé de sa machette, nous en chaussures de marche, lui chaussé de tongs.

Ensuite, marche d’approche tranquille alors que les cultures disparaissent, faisant la place aux premiers padza, sols arides créés par l’érosion due aux cultures sur brûlis.

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Plus tard, c’est l’entrée dans la forêt tropicale humide. Il pleut beaucoup plus souvent ici, à cause de l’altitude, du vent. La marche est plus agréable, à l’ombre des grands arbres. Très vite, une pause répulsif s’impose. Malgré tout, les mollets sont attaqués par une multitude de moustiques. Gwenael est ravi de porter un pantalon !
Le chemin fait un peu penser au massif central, blocs basaltiques brun rouge couverts de mousses, fougères et lianes sur les arbres, chaleur humide d’après la pluie…

Plus loin, Anne-Marie et Ronan abandonneront devant la pente.

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On est à Mayotte et c’est sans doute un légionnaire obtus qui a tracé le chemin depuis le col jusqu’au sommet : il monte à la vertical et on se tire sur les racines des arbres comme sur un échelle pour arriver aux derniers mètres touts tranquilles.

Mais là, le spectacle est la récompense.

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Pour ceux qui l’ont lu, on se retrouve dans la peau du héros de l’île mystérieuse (Jules Verne) qui découvre, du sommet de son volcan, que son île est bien une île.
Pour revenir aux militaires, on ne peut s’empêcher d’avoir une pensée émue au soldat qui a porté la borne kilométrique jusque là. On trouve également quelques blasons de régiments affectés à Mayotte, en béton, bien sûr, une table d’orientation, le nom d’Allah en caractères de fer forgé sur un rocher.

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Et un gros rocher posé en équilibre sur un autre, au-dessus du vide. Aurélie a eu peur rétrospectivement.

En chantier

Ici c’est branle-bas perso, toute la journée au téléphone, à la recherche d’un logement sur Petite-Terre. J’ai été nommé à l’école du Four-à-chaux, à Labattoir, et nous voilà bientôt petits-terriens, peut-être… Pas facile, dans la mesure où la nomination des instits s’est faite deux mois après celle des profs qui ont tout razzié !
Qu’est-ce qu’on a trouvé ? Pour le moment, deux maisons mahoraises, une située en pleine ville, entre la pharmacie et la mosquée de Labattoir, mais on a peur que la pharmacie soit source de nuisance, les soirs où elle sera de garde. A moins que la nuisance ne vienne de la mosquée…

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Et l’autre magnifique, spacieuse, toute neuve (inachevée, même), qu’on découvre au fond d’une allée pas encore goudronnée (torrent en saison des pluies ?). J’en ai fait un rapide croquis, de mémoire, faute d’appareil photo. Un petit défaut, le mur de derrière n’est pas encore construit, le toit non plus, et la clôture est en projet, ainsi que le banga que le propriétaire compte se construire au fond du jardin. Il n’y a pas d’eau chaude (Vous pouvez la mettre si vous voulez), pas de grilles au fenêtres , ni de fenêtres (pensez à fermer les volets quand vous n’êtes pas dans la pièce), mais le calme, la proximité du collège, la taille de la véranda entourée d’une rambarde à colonnades très Grand Siècle, rose éclatant de la maison sur la latérite rouge (ah ! la couleur de la boue de décembre).

Le proprio a passé trente cinq ans en Suisse, parle avec l’accent de là-bas et a prévu deux cuisines dans la maison. Il nous a dit qu’il avancerait les travaux avec la caution qu’on verserait et finirait la maison avec notre loyer. La maison finie, il s’y installera et se mariera.

Là je médis un peu, mais le crédit n’est pas utilisé ici comme en métropole.

On parle d’épargne parpaing. C’est à dire que dès qu’une somme est dégagée, on achète le terrain, puis les parpaings. Quand on le peut, on coule la dalle, puis on monte les murs, et ainsi de suite, chaque fois qu’il y a une rentrée d’argent. Et les villages mahorais sont ponctués de tas de parpaings, de maisons inachevées et quelquefois déjà habitées, parabole sur béton brut.
A bientôt des nouvelles et puis les vacances à partir du 12 juillet.

Dérangement

C’est un dérangement inattendu pour toute la famille : nous quittons Mayotte, nous nous rapprochons de vous !

Nous partons outre-mer, outre lagon plus exactement, puisque me voilà nommé à l’Abattoir, sur Petite Terre.
C’est en quelque sorte un soulagement.
Ronan sera dans un collège plus proche des normes métropolitaines. Il y a des regrets, des espoirs pour moi comme pour AnneMarie.
Les espoirs, on verra.

Des regrets, la canne à sucre que je ne couperai pas, les paysages devant lesquels je passe, la lumière du matin sur le lagon, les baobabs le soir.

Quel soulagement ?

Quitter la misère devant laquelle on ne peut rien…
Un exemple, des stagiaires que j’ai suivies dans une école rurale, une école du fin fond de la campagne mahoraise, loin de la mairie, un village de montagne perché dans les nuages.
J’ai pu franchir les trous de la route, j’ai bien cru ne jamais en revenir, avec ma Twingo. Obligé d’en descendre, d’avancer, de vérifier, de redescendre, d’avancer, vingt minutes pour dix mètres…
Et en classe, un cp innommable, les élèves assis sur des caisses dans une pièce exiguë, … à noter la fillette au foulard, j’en ai déjà dit un mot.

poroani_3-dfeb9Et puis sortie sur le “stade” pour une séance d’éducation physique. Les enfants derrière la grille, à gauche de la maîtresse, sont des anjouanais sans papier que le maire n’a pas voulu inscrire à l’école. Ils restent dehors et regardent .

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Et dans la classe d’à côté, un CE1, un enfant de 14 ans, sa soeur est au CP, elle a douze ans, et l’aîné est au CM1, il a 19 ans. Tout le monde s’en fout. Ils ont de la chance, en quelque sorte. Et celui-ci, un élève à la barbe naissante, et les autres, qui eux aussi sont anjouannais, mais scolarisés avec de faux papiers, officiellement 7, 9 et 11 ans. Ils attendent… d’avoir leurs 14 and de papier pour quitter l’école.


Je n’avais pas le droit de prendre ces photos. Ce jour-là, je n’étais pas en grève.

Pour être honnête…

Retour sur mon post précédent, trop vite écrit : A Mamoudzou, il y a une rue du Cinéma, sans cinéma, la rue du Collège loin du collège, une place Mariage bien calme, parking à voitures ombragé, et maintenant, le maire désirant un espace vert en centre ville, une place du Marché sans marché, les bouénis étant exilées sur un quai excentré, en plein soleil. Bientôt des barrages sur les routes ?

Le caméléon, c’est…

…celui qui se fond dans son milieu.
Moi, ça ne risque pas de m’arriver, si j’en crois tous ceux qui me reconnaissent…
Kwezi, le mzoungou de l’école ! Visage pâle au milieu de tous ces Mahorais.
Et lui, vous le voyez ?

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Animal en voie de disparition dans la région, mais encore assez nombreux dans le jardin. J’en ai épargné quelques uns avec ma faucille.
Certains ont de beaux yeux bleus.

Il semble que j’ai décidé de me fondre dans le paysage. Ce matin, j’ai croisée une dame que j’ai trouvée outrancièrement bronzée, et puis un autre bien cuit aussi… Et j’ai commencé à médire (à mépenser plutôt) sur les fonctionnaires qui… Et quand j’ai baissé les yeux vers mes bras qui poussaient un cadi bien vide, je me suis dit que, ma foi, ils n’étaient pas si bronzés que ça, moins que moi, en tout cas.

Hier, je suis allé à Dembéni, à l’IFM, pour une réunion d’harmonisation du jury machin truc validation (gréviste mais responsable, quoà (ou couillon ?)), et en sortant, vers 18h, j’entendais les muezzins des mosquées qui appelaient à la prière du soir. Le lagon, la mangrove, les villages, et ces chants dans la chaleur du soir, les grillons en arrière plan, j’aime beaucoup. Anne-Marie aime moins le muezzin du matin, celui de Tsimkoura, celui qui s’énerve quelquefois à quatre heures du matin.
Celui du vendredi 11h30, alors que les cours finissent à midi, il dispose d’un haut-parleur, moi non, alors je la ferme, on range la classe et on attend midi : la mosquée est à côté de l’école.

Demain, c’est la fête des mères, c’est l’anniversaire de Ronan. On vous regardera défiler à la radio et on ira à la plage. Déconnez-pas, on compte sur vous.

Des vagues

Ici c’est comme en métropole, le vent souffle, le lagon se couvre de moutons, les vagues transforme les plages. Exit les masques et les nattes, bonjour aux planches et aux cerfs-volants. Ronan joue dans les vagues des heures durant, à vous de le repérer. Si vous apercevez ses lunettes de soleil, aussi…

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Les nouvelles de France sont plutôt rassurantes, les gens sont encore capables de réagir. Ici pas ou peu de grévistes, sinon dans les grosses structures (lycée de Mamoudzou et de Sada fermés) ou des grèves qui semblent surréalistes. Les postiers, par exemple, qui ont été reclassés dans la fonction publique d’état, mot magique ici, et qui découvrent qu’ils ont été floués par Paris, par le préfet, par le député, par le président Bamana.

J’ai bien pensé faire grève, mais ici, dans mon village, qui s’en serait aperçu ? Alors j’explique aux collègues, à ma façon, pourquoi ça bouge en France, pas que pour des sous, même si… Et puis que JC n’est pas un gentil papa et que son pote Hardy n’est pas le bon gros premier ministre qu’on pourrait croire, qu’un patron de syndicat qui trahit on le vire, qu’un baron Seyère gagne plus de riali chaque mois qu’un corps d’instituteurs d’état de Mayotte (sic) chaque année. Certains jouent avec la césure, à propos de ce nouveau corps de fonctionnaires dans lequel les instituteurs territoriaux de Mayotte seront versés :’instituteurs d’état’ ou ’état de Mayotte’ la nuance est d’importance ici.

Un regret quand même, un mouvement social, c’est comme un match de foot, il manque l’ambiance quand on est loin.

À l’intention des futurs retraités

En 1968, d’aucuns criaient sous les pavés, la plage.

Cette plage est vraiment de sable rose et les rochers noirs de jais. Il suffirait d’un seul enregistrement avec le bruit caractéristique du vent dans les cocotiers et un gros coquillage à l’oreille, pour avoir l’ambiance sonore de la journée. On aurait aimé juste ne pas partager la plage avec cette famille qui a laissé ses ordures dans la poubelle prévue à cet effet.

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Il faut savoir que Mayotte est une île propre. Sur chaque aire de repos, sur chaque plage, même les plus éloignées, il y a une poubelle. Il faudra néanmoins un jour trouver une solution pour vider ces poubelles, le plus souvent inaccessibles par la route.

Allons z’enfants

Nous aussi, on a commémoré, on a regardé le défilé des vainqueurs, trouvé un beau bénitier (Anne Marie appelle ça un tridachne ????) et on est revenu à la maison à la nuit, fatigués mais contents. Il y avait du vent, – on peut voir l’alizé secouer le cocotier – du soleil et des poissons. On n’a pas dépassé la dizaine de touristes sur la plage. Avec en prime un jeune mahorais un peu demeuré qui nous a accompagné toute la journée, en jouant du djembé et du chombo. Il ne parlait pas un mot de français et semblait être là pour couper du bois.

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Au retour, j’ai peur d’avoir fait passer de vie à trépas un maki aventureux. Ces bestioles sont moins agiles sur la terre ferme.
Ce sera un autre événement à commémorer l’année prochaine.

The Roarin’ Fifties

Tout d’abord, je tiens à remercier tous ceux qui m’ont souhaité un bon anniversaire. C’est pas tous les jours qu’on se fait le demi-siècle. Comment ça s’est passé ici ?

Réveil 5h45 rien…

France Inter vers 6h05, c’est la saint machin truc le 29 avril l’éphéméride bref tout ça même André Agassi, 33 ans aujourd’hui, et hier c’était Saddam et ma marraine.

Toujours rien…
Et d’un coup, on y pense, bisou, coucou, anniv’ souhaité, je passe la suite …
Travail… Repas … plage…

Un jour comme les autres.
AnneMarie téléphone à sa mère, c’est pas tous les jours, pas tous les jours cinquante ans, non plus :

Vodka, citrons verts.
Trop de vodka …
On peut avoir encore un peu de vodka ?
[Manset en arrière plan]

22h00 dodo, demain dernier jour.
Cinquante ans ? Pfff…

Demain c’est les vacances !!!_

Medley (Kafka Island)

Je suis arrivé dans l’hémisphère sud et j’ai cherché la Croix du Sud. Je ne l’ai pas trouvée mais maintenant elle me semble évidente, brillant dans le ciel, pas si fière mais lisible quand même.

Le préfet a réuni les chauffeurs de taxi autour d’une table ronde. Il va leur proposer une formation, une nouvelle patente, mais demande qu’ils aient tous leur permis. la plupart avaient déjà la voiture, l’an prochain, on discute de l’assurance, je suppose.

C’est la première fois que je réveille une stagiaire à la fin de la récréation pour lui rappeler que c’est à elle de prendre la classe.

La gendarmerie a arrêté une centaine de clandestins, anjouanais pour la plupart, et les a expulsés. Ils trimaient sur des barques affrétées par des mahorais.

On ne trouve plus de poisson à Mayotte, le préfet a expulsé les pêcheurs de M’tsapéré, au titre qu’ils n’étaient pas en situation régulière.

Pas facile de faire son marché en ce moment, les citrons verts sont jaunes et les citrons jaunes sont verts.

Il n’y aura plus de barrages de tel ou tel sur les routes, maintenant qu’une maman et son bébé sont morts en route pour l’hôpital, a dit le préfet.

La déléguée de la classe de sixième dans laquelle se trouve Ronan ne vient plus en cours, elle est mariée depuis quelques jours.

Un gendarme s’étonne du niveau des instituteurs mahorais: plus de 54 fautes dans la dictée du concours interne de la gendarmerie.

Un maître de l’école coranique est en prison, il battait ses élèves à coup de câble électrique. C’est le second depuis notre arrivée.

Nouvelle demeure, nouvelle déclaration d’impôt, à lire en dessous. Mesdames, si vous êtes intéressées, il y a une place à remplir.

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Sans déc’, le ciel est vraiment chouette vu d’ici, Venus brille comme Jupiter dans l’hémisphère nord et la Voie Lactée coule comme dans mon enfance à Pramousquier.

Bonne nouvelle, l’alizé est de retour.