Les marchands de bonheur

L’autre jour, je discute avec une amie du bonheur, discussion plutôt absurde, tant le concept de bonheur est indéterminé. Mais bon, on est retraité, alors on s’occupe d’une manière ou d’une autre, et ça vaut bien le sudoku ou le PMU. Pour faire court, on divergeait.
Elle, elle me semblait plutôt branchée sur l’aspect constructiviste, optimiste, du bonheur, plus proche de la rationalité de Spinoza. Alors que moi, l’idée du bonheur, comment dire, c’est comme le paradoxe de Zènon, celui d’Achille et de la tortue, quand on croit l’avoir saisi, il n’est déjà plus là.
J’affirme donc que le bonheur me surprendra, viendra d’où je ne l’attends pas, s’il vient bien sûr. 

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Mais ce genre de discussion me gonfle très vite et je commence à délirer sur ce bonheur qui m’est proposé, construit comme un objet de consommation courante. J’imagine alors la publicité qui l’accompagnerait, forcément ringarde, qui essaierait de nous le fourguer.
Votre bonheur est usé, votre bonheur est cassé ? Changez-le donc, remplacez-le par un bonheur tout neuf, tout pimpant !
J’imagine un vendeur. Le vendeur parfait. Il aurait travaillé dans une boutique de fringues, ou de chaussures…

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Tenez, monsieur (ou madame, ou mademoiselle), essayez donc ce bonheur-là, faites quelques pas, vous verrez, il est très confortable.
ou
Vous vous trouvez un peu à l’étroit, mais il se fera à l’usage, vous verrez.
ou alors
Celui-ci ? un modèle inusable, indémodable, éternel…
ou encore
Ce style, ça vous donne un coup de vieux. Le style, important, le style, ça doit flasher. Moi je vous vois plutôt…
De quoi en faire une bande dessinée, si j’avais du temps. Ça entraine une recherche d’images sur le net, des images de bonheur pour concrétiser une idée graphique. Requête : marchand+bonheur. Côté mièvrerie, j’ai été gâté… Mais il y avait ces trois-ci.

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Au bout du compte, c’est par un vide qu’on pourrait le définir, le bonheur : c’est quand on l’a perdu qu’on sait qu’il était là.
J’ai aimé la photo des deux vélos appuyés contre l’arbre. Encore une absence là, celle d’un couple. Ils sauront peut-être un jour qu’ils étaient heureux ce jour-là.