Carrefour de misères

C’était un soir de juin, Carrefour du Gast, carrefour de la débine.

Une jeune femme à genou, sébile à la main, sourire au visage, accueil du magasin. C’est une habituée, presque un élément du décor.

Sabillah.

La caissière, aimable, parle avec le client qui me précède.C’est un jeune Marocain joufflu. Il se dit organisateur de mariage. Il revient du consulat. Il n’a pas eu son passeport, il risque de perdre son contrat. Il a déjà engagé les musiciens.

Elle, blonde, la beauté fatiguée, a fait des crêpes jusqu’à tôt ce matin. C’était la fête de la musique. Elle n’en peut plus.

Derrière moi, un breton, vieux poivrot, bouteilles qui débordent du sac. Il parle anglais avec un Kosovar, sec comme un sarment de vigne. Il passe ses journées à Fougère, traîne autour du château.

No, he doesn’t work !!

Un couple de petit vieux, collés au gabier. Ils retirent de l’argent. C’est long, très long. Elle recompte les billets, lui surveille les alentours.

De qui ont-ils peur ?

Quatre policiers sortent du Carrefour Market, encadrant ce jeune type, menotté dans le dos. Ils le poussent vers leur voiture. La femme flic a un coca à la main, sourit. Routine.

Le jeune homme pleure.

D’un côté, un resto bar africain, coloré, musique à fond, tables bavardes. En face, du bar pmu, les regardent des visages aigris, ruinés par le tabac, l’alcool, la misère.Entre les deux, rien, juste l’esplanade du centre commercial.

Petit vent frisquet.