Vert de rage

Ici la démocratie c’est particulier.
Dans la communauté il y a discussion puis la majorité choisit et la minorité s’efface. Au sens propre, elle n’a plus droit d’exister et toute affirmation d’une opposition est violemment rejetée. Et la communauté dépend de son chef, lui obéit, ne discute pas son discours. D’où la démocratie à Mayotte.
Un exemple, 64% de la population a choisit d’être française en 1973, lors du référendum qui a permit aux Comores de recouvrer leur indépendance. Ils étaient 99% à confirmer leur choix un an après.
Un autre exemple, imagine une trentaine d’instituteurs convoqués pour une matinée de formation (ici, on ne travaille que le matin, dans les écoles et les collèges, sauf rotation*). L’inspectrice se pointe à 10 heures pour annoncer qu’il y a une erreur sur les convocations, que la matinée de formation se terminera à 17 heures. Pas un mot, juste quelques murmures feutrés. A 13 heures, à la reprise, ils étaient tous là. Quand je leur ai dit qu’en métropole, cela n’aurait jamais été accepté sans discussion ni éclat, ils m’ont dit, tu sais Michel, c’est dans notre culture, on ne contredit pas le chef…
Si je raconte tout ça, c’est un peu parce que je ne crois plus à la démocratie.

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Mansour Kamardine

A 21 ans, je me suis précipité pour m’inscrire sur les listes électorales (Pompidou venait de mourir, il fallait voter pour changer…j’ai voté Dumont). A l’époque, j’étais fasciné par Idriss – tu t’en rappelles Patrick ? – qui tenait un discours tiers-mondiste, qui écoutait de la musique africaine et BB King, mais restait des heures devant la télé, à regarder n’importe quoi. Il venait des Comores, était fils de son père et d’une de ses épouses et avait les papiers d’un de ses nombreux frères. Pour lui voter était une arme.
Me voilà à Mayotte, une des quatre îles de l’archipel des Comores.
J’ai reçu une lettre recommandée m’informant que, n’habitant plus Vannes, j’étais rayé des listes électorales par la commission électorale.
J’en suis navré mais aussi soulagé. Je ne tricherai plus.
La photo c’est celle du député qui est collé sur toutes les maisons du village. Ici on affiche son vote.